Mektoub My Love : Canto Due, Gérald le Conquérant, Les enfants vont bien... Les films à voir et à éviter cette semaine

il y a 2 day 3

Le film que l’on attendait plus d’Abdellatif Kechiche, une farce signée Fabrice Éboué, un délicat long-métrage familial avec Camille Cottin... La sélection du Figaro.

Les enfants vont bien - À voir

Drame de Nathan Ambrosioni - 1 h 51

Merci du cadeau. Elle ne demandait rien, et elle se retrouve avec les enfants de sa sœur sur le dos. Ça, Jeanne (Camille Cottin) ne s’en remet pas. Deux ans qu’elle n’avait pas vu Suzanne et voici que celle-ci débarque sans crier gare, déguerpit pendant la nuit en lui laissant Gaspard et Margaux. La police hausse les épaules. La disparue est majeure. Le réalisateur retrouve ici son domaine de prédilection, la famille. Il n’y a pas plus romanesque. Camille Cottin se dresse comme un donjon. Elle s’en serait bien passée, de ce rôle de maman par inadvertance. Son visage est un arc-en-ciel. Il glisse sur lui toutes les couleurs des sentiments. Elle a l’étoffe d’une Girardot dans sa grande période. Observation juste et attentive, sûreté et maîtrise, Ambrosioni saisit des moments fragiles, prend le malheur dans ses bras, filme la vérité avec des gants - cette délicatesse. É. N.

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Mektoub My Love : Canto Due - À voir

Drame d’Abdellatif Kechiche - 2 h 14

Plus personne n’y croyait avant de le voir surgir de nulle part au Festival de Locarno en août dernier. Le dernier volet de la trilogie d’Abdellatif Kechiche a été tourné dans la foulée des deux premiers, en 2016. Il arrive huit ans après Canto Uno et commence là où finit le premier « chant ». Dès les premières minutes, l’énergie est intacte. La plage de Sète, la lumière de l’été 1994, le restaurant, rien n’a bougé en apparence. Canto Due ressemble à un scénario d’Éric Rohmer tourné par Maurice Pialat. Il ressemble surtout à un film de Kechiche, dont le style est reconnaissable en une scène. La présence de Jessica Pennington rappelle aussi que le cinéaste n’a pas son pareil pour révéler les actrices, parfois au prix de larmes et de polémiques. Il met cette fois la pédale douce. Son regard n’est pas moins désirant mais il est plus délicat. Un beau chant du cygne. É. S.

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The Shadow’s Edge - À voir

Action de Larry Yang - 2 h 23

Comment coffrer des malfrats à l’heure de l’IA ? C’est à cette épineuse question que répond ce captivant thriller d’action hongkongais. Mené tambour battant, nerveux et testostéroné, il met en scène un minutieux braquage orchestré par un vieux renard rusé. Si l’on voulait résumer à gros traits ce thriller à la mise en scène inventive, on pourrait le comparer à une sorte de Heat  à la hongkongaise. Robert de Niro face à Al Pacino ayant fait place à Jackie Chan contre Tony Leung Ka-Fai. Larry Yang ne s’embarrasse pas de subtilité. Mais il orchestre un duel à mort entre flic et voyou d’une autre génération dans un présent surtechnologique. L’un des meilleurs films de Jackie Chan depuis longtemps. O. D.

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Dites-lui que je l’aime - On peut voir

Docufiction de Romane Bohringer - 1 h 32

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À l’origine, elle voulait adapter le livre de Clémentine Autain Dites-lui que je l’aime, paru en 2019. La députée évoquait sa mère, la comédienne Dominique Laffin, morte à l’âge de 33 ans. Clémentine avait 12 ans. Romane Bohringer a reconnu sa propre histoire. Celle d’une fille abandonnée par une mère autodestructrice, emportée par l’alcool, la drogue et le chagrin. Dans sa première moitié, Dites-lui que je l’aime  se cherche. Il faut sans doute passer par ces tâtonnements pour que le film trouve sa force. Bohringer se lance alors dans une enquête sur sa mère, Marguerite Bourry. Elle retrace l’existence d’une orpheline née à Saïgon adoptée par un couple de Français mal aimants. Pour cette mère, la bohème, ça voulait aussi dire la drogue. Elle meurt à l’âge de 36 ans. Romane en a 14. Dans ce film de femmes, les hommes, impuissants à faire le bonheur d’une autre, ne sont pas moins bouleversants. É. S.

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Pour l’éternité - On peut voir

Comédie romantique de David Freyne -1 h 54

Accéder à l’éternité ne veut pas dire mettre fin aux dilemmes qui jalonnaient notre quotidien de vivant. Tout juste décédée d’un cancer, Joan, vénérable grand-mère, se réveille dans l’au-delà dans la peau de son moi trentenaire. Elle a une semaine pour choisir dans quelle éternité elle veut séjourner : un monde de plage, de montagne, de bibliothèque, de boîte de nuit, de débats existentialistes avec Sartre (si, si). Les options sont infinies ! Mais surtout Joan (Elizabeth Olsen) doit décider avec qui elle s’embarque dans l’aventure. Son mari pendant un demi-siècle Larry (Miles Tellier, Whiplash ) ou le héros de guerre Luke (Callum Turner) qui l’a laissée veuve en tombant sur les champs de bataille de Corée et qui l’a attendue tout ce temps dans ce purgatoire. Que choisir : le premier amour foudroyé en plein vol ou celui qui a enduré, s’est assagi et a connu l’usure de la routine ? Avec ce postulat, le réalisateur irlandais David Freyne donne une nouvelle dimension au sempiternel triangle amoureux ! Et revisite avec une certaine poésie visuelle l’entrelacs des souvenirs de ses héros. Comédie romantique, revendiquant un côté analogique, Pour l’éternité ravit par son inventivité kafkaïenne et son esthétique rétro quand il s’agit de décrire les drôles de règles administratives de ces limbes où est coincé le trio. Ils se perdent dans d’interminables escalators. Les stands promouvant tel ou tel paradis (avec ou sans homme, chat, chien, drogue, etc.) accrochent l’œil du spectateur. Sans oublier la gouailleuse conseillère d’orientation, campée par Da’Vine Joy Randolph. De quoi pardonner un dénouement un peu trop sage. C. J.

Gérald le Conquérant - On peut voir

Comédie de Fabrice Éboué - 1 h 23

Dans Barbaque, Fabrice Éboué découpait du vegan et le vendait comme du « porc d’Iran ». Une vraie boucherie, à mourir de rire. Dans Gérald le Conquérant, il joue un Normand aux rêves grandioses : un parc d’attractions identitaire genre Puy du Fou à la gloire de Guillaume le Conquérant. Sauf que pas grand monde ne prend au sérieux ce loser obsédé par la peur du grand remplacement et par les bobos parisiens, surtout doué à buter des taupes dans son jardin. Avant de s’en prendre aux vaches non normandes. Éboué joue la bêtise comme personne. Le côté faux documentaire - une équipe télé le filme à la manière de C’est arrivé près de chez vous -, plombe un peu le rythme mais n’empêche pas la satire de viser juste. É. S.

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Teresa - À éviter

Film biographique de Teona Strugar Mitevska - 1 h 43

Inutile de compter retrouver l’état de grâce du film Thérèse d’Alain Cavalier. Cet anti-biopic n’emprunte pas ce chemin-là pour brosser le portrait des jeunes années de la future sainte. Le film débute à Calcutta , en 1948. Mère Teresa attend la réponse du pape l’autorisant à quitter le couvent des sœurs de Lorette pour fonder sa propre congrégation. Pas encore nobélisée, ni béatifiée, la Teresa que l’on découvre s’avère une affreuse bonne sœur. Carriériste, directive, obsédée par le moindre sou, fanatique voire fondamentaliste, cette religieuse incarnée avec la plus parfaite antipathie par une Noomi Rapace mène son petit monde à la baguette. Dans le fond, ce film ne met en avant que l’obstination et l’ambition de son personnage principal, loin, très loin de l’amour du prochain prôné par la vraie mère Teresa. De là sans doute, ce diffus malaise qui plane durant tout le visionnage de ce long-métrage ténébreux et faussement subversif. O. D.

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