La lutte contre la manipulation du débat public s’intensifie. Un rapport parlementaire que nous avons pu consulter alerte sur l’usage croissant de l’intelligence artificielle dans des opérations d’ingérence étrangère, appelant à renforcer les moyens ou à imposer aux plates-formes de suspendre des contenus poussés par les algorithmes avant les élections. La menace s’invitant jusqu’aux scrutins locaux, les élections municipales de mars prochain sont concernées.
Les rapporteurs, la députée Lætitia Saint-Paul (Horizons, droite) et le socialiste Alain David, proposent notamment d’instaurer une « réserve algorithmique pré-électorale ». L’objectif serait d’enjoindre aux « plates-formes de suspendre temporairement », avant chaque scrutin, la mise en avant de contenus auxquels l’utilisateur n’est pas abonné, éclaire la députée Saint-Paul auprès du Parisien.
Les modèles algorithmiques, dans leur ensemble, visent à créer de l’engagement, ce qui passe par la mise en avant de propos clivants. « Les démocraties sont une proie, et leur talon d’Achille est la période électorale », pointe l’élue de Maine-et-Loire. Sa solution ? « Quelques semaines avant les élections, au moment de notre plus grande fragilité, le contenu auquel nous avons accès ne pourrait plus être régi par les algorithmes », explique-t-elle, précisant que la durée pourrait être débattue.
« Consentement aux algorithmes »
Cette mesure viserait à « préserver la sincérité du vote et éviter les manipulations », comme lors des dernières élections présidentielles en Roumanie, où des manipulations de l’algorithme TikTok ont été dénoncées par les autorités. Plus récemment, les élections législatives de Moldavie ont fait face à une ingérence russe « sans précédent », en partie menée sur le front numérique.
Plus généralement, les rapporteurs proposent de « rendre obligatoire le consentement aux algorithmes » sur les plates-formes et réseaux sociaux. L’idée est de permettre à « l’usager de reprendre la main », détaille Lætitia Saint-Paul : ce serait à lui de « décider s’il souhaite voir du contenu en fonction d’un algorithme ». L’obligation faite aux plates-formes « pourrait prendre la forme d’un consentement explicite sur le modèle de ce qui est appliqué pour les cookies des sites Internet », précisent les députés.
Une législation qui pourrait se révéler plus compliquée à faire adopter dans un court laps de temps. Or, les deux députés estiment qu’il y a urgence. « Les municipales seront la cible d’ingérences étrangères. Le problème est identifié, documenté, il n’y a pas de raison d’attendre », martèle Lætitia Saint-Paul. La « réserve algorithmique pré-électorale » serait ainsi une manière de palier à une partie du problème.
Le Digital Services Act (DSA) « a été pensé de manière que des initiatives nationales puissent s’y rajouter et nourrir le droit européen », indique l’élue. Une telle législation pourrait-elle seulement voir le jour avant le scrutin de mars prochain ? « Il faudrait avoir un texte en janvier, qu’il soit adopté rapidement et puisse être promulgué dans les temps », répond la députée, reconnaissant que cela ne sera pas chose aisée.












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