Il avait été condamné à 45 ans de prison ferme pour trafic de drogue aux Etats-Unis… Et a finalement été gracié par Donald Trump lundi 1er décembre. À la surprise générale, l’ex-président du Honduras Juan Orlando Hernandez est sorti de sa prison de Virginie-Occidentale alors que son pays traverse des élections tendues. "Après presque quatre années de douleur, d’attente et d’épreuves difficiles, mon mari est à nouveau un homme libre, en vertu de la grâce présidentielle", a annoncé son épouse mardi.
L’homme était pourtant accusé d’être responsable d’avoir inondé les Etats-Unis de drogue lorsqu’il était au pouvoir, jugé coupable d’avoir aidé à expédier des centaines de tonnes de cocaïne sur le sol américain. Cette libération tranche avec la rhétorique antidrogue qui constitue l’un des fers de lance de Donald Trump. Le président s’est justifié de son choix lors d’un échange avec la presse mardi. "C’était une horrible chasse aux sorcières orchestrée par Biden. Beaucoup de gens au Honduras m’ont demandé de le faire. Et je l’ai fait". "S’il y a des trafiquants de drogue dans votre pays […], on n’envoie pas forcément le président en prison pour 45 ans" a ajouté Donald Trump, qui a fait de la lutte contre le narcotrafic son leitmotiv dans ses relations avec l’Amérique latine.
Le Honduras, dont Juan Orlando Hernandez a été le chef d’Etat de 2014 à 2022, est l’un des pays les plus violents de la région, du fait principalement des gangs qui contrôlent le trafic de drogue et le crime organisé. Le procès fédéral de l’ancien président à New York avait mis en lumière la manière dont il aurait "maintenu le Honduras comme un bastion du commerce mondial de la drogue", rappelle le New York Times, et "orchestré une vaste conspiration en matière de trafic qui, selon les procureurs, a permis aux cartels de récolter des millions de dollars". Selon les procureurs américains, sous "JOH", le Honduras était devenu un "narco-État", une "super autoroute" par laquelle passait une grande partie du trafic de drogue de la Colombie vers les États-Unis. Durant son procès, l’ex-président s’était vanté de "bourrer de drogue le nez des gringos".
Une lettre flatteuse qui change tout
En dépit de cette condamnation historique et de l’absence totale de preuves pour appuyer les affirmations de Donald Trump, selon qui l’ancien président a été victime d’un complot politique, un élément semble avoir débloqué la situation de Juan Orlando Hernandez. Comme l’écrit le journal espagnol El Pais,"une lettre pleine d’éloges adressée à Donald Trump semble être la clé qui a ouvert la porte de sa prison". "Comme vous, président Trump, j’ai subi des persécutions politiques", écrit Hernandez dans ce courrier de quatre pages, publié par le média américain Axios. L’ex-chef d’Etat y affirme qu’il n’y a pas de preuves suffisantes contre lui et accuse l’administration Biden-Harris de l’avoir emprisonné "pour des motifs politiques". Il soutient que sa condamnation est "injuste" et basée sur "des témoignages de trafiquants violents et de menteurs professionnels".
Dans sa missive, Juan Orlando Hernandez fait surtout appel à l’ego du président américain. "Je trouve de la force en vous, Monsieur, dans votre résilience qui vous a permis de revenir à cette grande fonction malgré la persécution et les poursuites auxquelles vous avez fait face — parce que vous vouliez rendre sa grandeur à votre pays. Ce que vous avez accompli est sans précédent et véritablement historique […] Votre résilience face à une persécution politique incessante m’a profondément inspiré".
La Maison-Blanche assure que Trump n’a pas lu ce message flatteur avant d’annoncer la grâce. Dans un éditorial, le Wall Street Journal met toutefois en garde contre les implications d’une telle décision : "Quelle étrange tournure des événements. Peut-être que Donald Trump pense jouer aux échecs géopolitiques, mais il a une longue histoire de forte sensibilité à la flatterie, et sa grâce non expliquée sape l’État de droit et les procureurs qui ont fait condamner M. Hernandez".
L’ambition sud-américaine de Donald Trump
Plus largement, la volonté de Donald Trump de s’immiscer dans la présidentielle au Honduras pourrait aussi avoir été bénéfique à l’ancien président sud-américain. Le milliardaire républicain, qui multiplie les faits d’ingérence dans les affaires intérieures de pays alliés ou non, a pesé de tout son poids ces dernières semaines pour faire élire le candidat du Parti national (PN) de Juan Orlando Hernandez : l’homme d’affaires Nasry Asfura, 67 ans. "Cela ne peut pas être permis, surtout maintenant que, avec la victoire électorale de Tito Asfura, le Honduras se dirige vers un grand succès politique et financier", a ajouté Donald Trump concernant l’emprisonnement de Hernandez. Cette grâce intervient alors que le pays retient son souffle pour savoir qui a gagné la présidentielle de dimanche.
Le président américain juge que l’Amérique latine fait partie de la sphère d’influence américaine et a adopté une posture interventionniste dans la région, invoquant notamment la lutte contre le narcotrafic contre les pays dirigés par la gauche, à commencer par le Venezuela. Il n’hésite pas à conditionner l’aide américaine à la bonne volonté des gouvernements, à ses affinités avec leurs dirigeants voire aux résultats des consultations électorales. Mais il exerce aussi une forte pression militaire. Les Etats-Unis ont déployé leur plus grand porte-avions ainsi qu’une flottille de navires de guerre et d’avions de chasse dans les Caraïbes, dans le cadre d’opérations antidrogue visant particulièrement le Venezuela, ennemi de Washington.

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