Le comédien et chanteur Alexandre Martin-Varroy met en scène «Les Sonnets» de Shakespeare

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If music be the food of love, au Théâtre de l’Épée de Bois/Cartoucherie, à Paris, et Au Théâtre Montansier, à Versailles.

If music be the food of love, au Théâtre de l’Épée de Bois/Cartoucherie, à Paris, et Au Théâtre Montansier, à Versailles. Aude Charlier

CRITIQUE - Le comédien et chanteur Alexandre Martin-Varroy met en scène une sélection des poèmes et de chansons du barde de Stratford. Un vertigineux périple opératique qui unit l’intime à l’universel

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Pourquoi mettre en scène Les Sonnets de Shakespeare ? Parce qu’ils sont, d’une certaine manière, une pièce de théâtre à trois personnages : le poète, un ami-amant - qu’il appelle son « bon ange » - et une femme qu’il méprise et qui le fait souffrir. N’est-ce pas cela l’amour ? If Music Be the Food of Love, tissage poétique et musical, est mis en scène et interprété par Alexandre Martin-Varroy et c’est, disons-le sans emphase, sublime. Trente sonnets sélectionnés mis en écho avec une dizaine de chansons extraites de différentes pièces du barde (Hamlet, Le Songe d’une nuit d’été, Comme il vous plaira…), nous ne pouvions rêver plus enchanteur.

Sur la droite de la scène, ce qui ressemblerait à une chambre en désordre : un lit défait, un bureau sur lequel règne un capharnaüm et puis, ici et là des objets comme sortis d’un vide-grenier… Sur la gauche, une table de jardin où est posée une table de mixage. Plus au centre, une sorte d’arbre fait de fils électriques et un cadre de tableau ancien. Dans la pénombre, un homme (Alexandre Martin-Varroy) avance lentement dans le vent d’hiver. Il porte un bonnet blanc. Des flocons tombent sur sa doudoune grise. L’amour est un champ de plumes.

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Triangulaire amoureuse

Un garçon en costume, jeune Lord fort distingué, pose debout dans le cadre. Il porte un violoncelle. Théodore Vibert est le compositeur électroacoustique du spectacle. Alexandre Martin-Varroy ôte son bonnet et dès les premiers vers - il s’agit du sonnet 14 - nous sommes sur orbite : « Des astres je ne tire aucune prédiction, / Je crois pourtant m’y connaître en astrologie, / Mais ne peux annoncer bonnes ou mauvaise chance, / Ou pestes ou famines ou climat des saisons (…) »

Une triangulaire amoureuse entre l’acteur-chanteur, le musicien électroacoustique et l’accordéoniste se joue devant nous. Les élisabéthains avaient hérité des Italiens la tradition du sonnet. Pétrarque en fut le grand modèle quant à la forme, courtoise, élégante, destinée à l’expression de l’amour d’une maîtresse, qui pouvait être aussi bien imaginaire que réelle. Ou d’un ami bien-aimé. L’homosexualité n’avait rien qui puisse choquer Shakespeare. Il est possible qu’il y ait été enclin lui-même, chose courante dans le monde du théâtre où de jeunes garçons tenaient les rôles de femmes.

L’accordéon de la virtuose Julia Sinoimeri accompagne le spectacle, des notes de Dowland, Haydn, Schubert ou encore Gerald Finzi et Percy Grainger. Cet instrument profane a parfois les vertus de l’orgue, ce qui lui donne un caractère sacré. Un oratorio au stylisme glam rock. Le comédien-chanteur - malade d’amour, cette peste -, est sous perfusion. Nous aussi. Shakespeare est le meilleur des sérums.


Au Théâtre de l’Épée de Bois/Cartoucherie, Paris (12e), jusqu’au 21 décembre. Au Théâtre Montansier, Versailles (78), le 8 et 9 décembre.

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