La Tunisienne Erige Sehiri est la deuxième réalisatrice arabe à recevoir l’Étoile d’or. Déjà primé au Festival d’Angoulême son film suit des migrantes ivoiriennes à Tunis.
Clap de fin pour la 22e édition du Festival du film de Marrakech qui s’est achevé ce week-end sur un record de fréquentation : 47 000 cinéphiles se sont pressés dans les projections et les masterclasses gratuites. «7 000 de plus que l’an passé» se réjouit le coordinateur général Ali Hajji. Il se félicite aussi «d’avoir réuni à travers le programme Jeunes Publics 7 000 enfants et adolescents». Un plébiscite précieux pour une manifestation qui mise sur la transmission du goût du 7e art.
Le jury présidé par le cinéaste coréen Bong Joon-ho a décerné l'Étoile d'or à Promis le Ciel de la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri. Déjà primé au Festival d’Angoulême où il avait reçu le Valois de la meilleure actrice, du scénario et de la mise en scène, son long-métrage suit des migrantes ivoiriennes à Tunis. Se faisant, elle devient la deuxième cinéaste arabe à recevoir l’Étoile d’or de l’histoire du Festival du Film de Marrakech.
«Je voudrais remercier les Tunisiens qui ont soutenu la population migrante en Tunisie et tous ceux aussi qui ont eu le courage de s'exprimer sur les questions de la liberté», a déclaré Erige Sehiri, qui a dédié son prix à la militante antiraciste Saadia Mosbah, incarcérée depuis mai 2024 en Tunisie soupçonnée d'avoir facilité l'entrée illégale de migrants. La Tunisie est un point de passage clé pour des milliers de migrants d’Afrique subsaharienne cherchant à rejoindre l’Europe par la mer.
L’intime rejoint la grande histoire
Promis le ciel, qui sortira dans les salles françaises le 26 janvier, a également décroché le prix d'interprétation féminine a été attribué à l'actrice Debora Lobe Naney pour son rôle dans le film d'Erige Sehiri. Le trophée du meilleur acteur est allé au formidable Sope Dirisu, père cherchant à protéger ses fils dans un Lagos aux prises avec un putsch dans My Father’s Shadow. Le jury a également salué la justesse des acteurs Elliot Tittensor et Luke Tittensor dans Straight Circle d’Oscar Hudson, portrait de deux soldats ennemis postés sur une frontière isolée perdent peu à peu pied avec la réalité.
Le prix du jury récompense ex aequo My Father and Qaddafi de Jihan K et Memory de l’Ukrainienne Vladlena Sandu, qui s’inspire de son enfance dans la capitale tchétchène Groznyï meurtrie par la guerre. «Deux films profondément personnels, où l’intime rejoint la grande Histoire», note Ali Hajji. Tout comme Promis le ciel «qui aborde, avec poésie et sensibilité, l’arrivée des migrants subsahariens dans les pays du Maghreb, qui suscite le racisme des populations locales».
Esprit de partage
«Le Festival du film de Marrakech repose sur l’esprit de partage, de transmission, de jeunesse à l’image d’un jury qui fait cohabiter des jeunes talents comme Jenna Ortega et Anya Taylor Joy avec des plus confirmés. Sa compétition accueille des premiers et des deuxièmes films. C’est aussi un festival qui mise sur les masterclasses. Pas une, pas deux, mais une petite dizaine», pointe Mélita Toscan Du Plantier, cofondatrice et directrice de l’événement. La productrice rappelle l’intuition de son festival qui a primé les comédiens Alicia Vikander, les réalisateurs Alexander Payne ou encore Justin Kurzel alors qu’ils étaient sur le point de percer.
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Autre grand fierté, le programme des Ateliers de l’Atlas, lancé en 2018. «Au départ, l’idée était de soutenir ces cinéastes qui font un premier, deuxième ou troisième long-métrage à l’étape du scénario ou à l’étape de la postproduction. Progressivement, les choses ont évolué avec un accompagnement à la distribution», rappelle Ali Hajji.
Un volet de soutien pour aider à diffusion des films arabes et africains sur le continent. Et un volet professionnel auxquels participent des distributeurs et des vendeurs internationaux. Un tout nouveau programme vient en aide aux très jeunes producteurs et cinéastes marocains qui n’ont pas encore fait un premier long métrage. Un autre, intitulé Atlas Presse, entend développer la critique de cinéma au Maroc. «Dans un paysage international déjà saturé, le festival a construit des dispositifs ciblés, qui répondent aux besoins spécifiques de l’écosystème régional», explique son coordinateur. Motif de fierté : plusieurs films passés par les Ateliers ont été retenus en compétition officielle avant de briller à Venise et à Cannes. Lors de cette édition 2025 des Ateliers, plus de 525 rendez-vous individuels ont été organisés.
Désireux de faciliter la venue de grosses pointures hollywoodiennes, le Festival de Marrakech songe à débuter un peu plus tôt en novembre, l’an prochain, pour éviter les festivités de Thanksgiving et s’éloigner des Gotham Awards, première cérémonie qui lance la course aux Oscars aux États-Unis. La venue de Jodie Foster, en ouverture de cette 22e édition, restera un grand moment. «Elle n’est pas très fan des hommages et se déplace avec parcimonie dans les festivals», confie Mélita Toscan du Plantier, «C’est grâce à ses partenaires dans Vie privée, Virginie Efira et Rebecca Zlotowski, qui connaissent bien notre festival qu’elle s’est décidé et elle avait très envie de connaître le Maroc. On lui a proposé de venir quelques jours avant. Elle est allée à Essaouira. Dans le désert également ».

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